L’opération « le patrimoine appartient à tout le monde » en deux mots

L’opération « PAM », lancée par la DRAC Pays de Loire en 2023, vise à faire réfléchir le grand public sur la problématique exprimée par Victor Hugo : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous. »

Il s’agit ici de questionner ce qui fait patrimoine pour chacun (sans le filtre préalable d’un expert) et comment cette somme de visions patrimoniales individuelles peut former un patrimoine commun, un vecteur de lien culturel, c’est-à-dire de fraternité.

Que ce soit pour aider les services (UDAP notamment) dans l’exercice de leurs missions, qui, mieux comprises, seraient mieux acceptées, et donc plus efficaces, ou pour le bénéfice direct du grand public, il apparaît intéressant de mieux mettre en évidence le caractère démocratique du patrimoine architectural, urbain et paysager ; c’est en effet un patrimoine accessible H24, près de chez soi, pas uniquement dans les foyers de grande intensité culturelle que sont les grandes villes, qui ne nécessite pas de franchir la possible barrière sociale que peut représenter la porte d’un musée ou d’un théâtre.

À l’issue d’une incubation menée au sein du laboratoire Etat’Lin du Secrétariat général des affaires régionales des Pays de Loire, il a été décidé de créer la plate-forme internet PAM qui permet à chacun de déposer une image montrant ce qui fait patrimoine pour lui et de consulter celles déposées par d’autres. Elle a été construite avec l’aide de l’Union régionale des CAUE des Pays de Loire. Pour dynamiser les échanges, la plate-forme a été couplée à un concours photo, organisé en partenariat avec le Conseil départemental du Maine-et-Loire, qui s’est tenu durant l’été 2023, sur le thème des journées du patrimoine.

Le palmarès 2023

Voici les photos primées accompagnées des commentaires de leur auteur :

Prix senior ex-aequo

• Reflets à Saint-Genulf

  

Pierre Dima

« Un cliché pris lors d’une journée ensoleillée dans la petite église Saint-Genulf du Thoureil. Cette église romane d’origine s’est dotée en 2019 de vitraux réalisés par le célèbre écrivain Tahar Ben Jelloun et par le maître verrier Philippe Brissy. Quand le moderne valorise l’ancien ! »

• Le Vieux Pays

  

Jean-Yves Baraton
« L’univers étrange de la vallée Nord de la Loire avec ses peupliers cherchant la lumière »

Prix spécial

• La savate

  

Benjamin Rullier

« L’an prochain, ça fera cinquante ans que je suis dans le club. Quand j’ai commencé, à vingt ans, le club venait d’ouvrir et depuis j’y suis toujours resté, même quand il n’y avait plus beaucoup de bénévoles parce que je voulais que le club vive. J’ai vu la discipline évoluer aussi. Avant c’était très codifié, plus artistique peut-être, maintenant ça va plus vite, ça cogne fort et la boxe française s’est standardisée. Moi, j’ai encore le coup d’œil mais souvent un temps de retard. Alors j’essaie d’entretenir la mécanique, deux fois par semaine. Je boxe toujours comme si j’avais vingt ans mais mon corps me fait bien comprendre que ce n’est plus le cas. Comme me dit la cardiologue : le facteur risque c’est votre âge. Mais c’est un sport très complet, qui demande de la souplesse, de l’équilibre, du cardio. Je ne me vois pas arrêter, j’ai toujours l’envie. Et quand je ne pourrai plus, à quatre-vingt/quantre-vingt-cinq ans, j’espère que je viendrai toujours ici regarder les autres et leur donner des petits conseils. Patrick Binaud, soixante-dix ans, boxeur français à La Vaillante (Angers) »

Que nous dit ce palmarès de notre patrimoine ? Répond-il aux objectifs de l’opération PAM ?

Le palmarès, particulièrement varié, montre bien la richesse de notre patrimoine et des regards qu’on pose sur lui.
Si la photo « La Savate » a désarçonné quelque peu le jury de prime abords, le texte d’accompagnement l’a éclairée. Nous racontant une histoire de transmission, elle représente parfaitement l’idée du patrimoine, en général, le patrimoine vivant du sport, bien sûr, tout particulièrement. Elle montre comment le patrimoine est avant tout une histoire d’hommes.

La photo « Reflets à Saint-Genulf » évoque la même idée que l’homme est au centre de la réflexion, mais aussi de l’émotion patrimoniale. Plus intimiste, elle s’attache à un regard, un moment d’attention, portée à un détail qui créé un monde, et soustrait du temps. Ce regard est à la fois simple et riche, subjectif et universel. Les auteurs pluriels du patrimoine (architecte, maçon, peintre verrier, écrivain-dessinateur) se retrouvent liées à travers les siècles entre eux, mais aussi avec celui qui sait voir, admirer, et… montrer, en postant sa photo. La chaîne de transmission se prolonge donc.

Outre ses qualités graphiques évidentes, la photo « Le vieux pays » questionne la notion de patrimoine et, en cela, répond parfaitement à l’objectif de la plate-forme PAM. Les peupleraies, en fermant les vues vers les fleuves et les rivières, peuvent avoir un impact négatif sur les paysages patrimoniaux, comme le Val de Loire. Ici, l’auteur de la photo propose un autre regard : celui porté sur un patrimoine plus récent, un nouveau paysage qui se crée et présente aussi des qualités. Voilà bien une reprise de droit démocratique sur un patrimoine qui n’appartient résolument pas qu’à une poignée d’experts mais bien à chacun et à tous.

Perspectives

La plate-forme a été lancée à titre expérimental, en juin 2023, à l’échelle provisoire du Maine-et-Loire. Le but est d’élargir son aire géographique et d’inclure la population la plus large. Des pistes se dessinent avec le ministère de l’Éducation, pour essayer d’associer davantage les personnes mineures à cette réflexion. D’autres concours thématiques pourraient être organisés en fonction des partenariats qui pourraient se nouer.