Les miracles du patrimoine

La Translation miraculeuse de sainte Rita de Cascia ou La Vierge protégeant Spolète, Nicolas Poussin, vers 1663 (détail). Dulwich Picture Gallery. Sainte Rita, patronne des causes désespérées.
La Translation miraculeuse de sainte Rita de Cascia ou La Vierge protégeant Spolète, Nicolas Poussin, vers 1663 (détail). Dulwich Picture Gallery. Sainte Rita, patronne des causes désespérées.

Les miracles existent ; je les ai vus. Il faut y croire et je vais vous faire participer à mes miracles.

Façade d’un hôtel du Marais, dégagée grâce à l’intervention de Sainte Rita. © JLH.

Premier miracle, quand j’étais jeune architecte : un syndicat de copropriétaires, particulièrement désargentés, avait fait appel à moi pour empêcher l’écroulement du bel hôtel particulier du début du XVIIe siècle qu’ils avaient acquis, dans le Marais, pour une bouchée de pain. Cet hôtel s’élevait autour d’une magnifique cour qui était presque entièrement recouverte par un atelier qui dissimulait tout le rez-de-chaussée.
Naturellement, chaque fois que je me rendais sur place, je pestais contre cette verrue particulièrement disgracieuse, mais les copropriétaires étaient trop désargentés pour envisager d’acheter ce local qui, bien qu’à l’abandon et en ruine, pouvait avoir une certaine valeur.
Je rencontrais le propriétaire de cet atelier à chaque réunion de copropriété et je ne manquais pas de soulever la question de la démolition de l’atelier. Et ma surprise fut grande, quand au bout de quelques années, le propriétaire me fit savoir qu’il était prêt à céder sa ruine au syndicat des copropriétaires pour un franc symbolique!
Depuis, chaque fois que je passe dans cette rue du Marais, je me remémore ce premier miracle de ma vie d’architecte !

Le plus incroyable, c’est que d’autres miracles ont suivi…

De nombreuses années plus tard, j’avais été alerté par le projet de démolition d’une belle église du XIXe siècle, qui dominait fièrement un bourg du Pas-de-Calais.
Or, une visite sur place m’avait convaincu que cette église paroissiale qui appartenait au diocèse, n’avait reçu aucun entretien depuis un siècle et qu’il était surtout urgent de rattraper le temps perdu : fuites de toiture, gouttières bouchées mais aussi problèmes de structure.

Travaux en l’église de L… © JLH.

La commune faisait valoir que le bâtiment ne lui appartenait pas, et refusait toute intervention. Pendant plusieurs années, le diocèse a campé sur son impécuniosité et sur l’absence d’intérêt de l’édifice à ses yeux !
En même temps, des habitants de la commune avaient créé une association de sauvegarde de leur église avec l’objectif de diffuser ce problème et de rechercher des appuis pour le régler.
Créer une association est sans aucun doute nécessaire mais le problème n’est pas résolu pour autant !
Pendant plusieurs années, la sauvegarde de l’église resta en suspend, jusqu’au jour où un généreux paroissien ouvrit sa bourse et fit don d’une somme importante permettant de débloquer la situation.
Sainte Rita, patronne des situations désespérées avait encore été efficace !

Quoi de plus normal qu’un miracle pour la sauvegarde des églises !

J’avais reçu la responsabilité d’une église de la confrérie de Sainte-Marie-Madeleine qui avait subi cinq siècles d’outrages. Elle avait abrité des malades de la peste au XVIe siècle puis, après de nombreuses péripéties, elle avait été transformée en moulin et son dernier usage, vers 2010, était de stocker les poubelles de la commune ! Je passais chaque jour devant cette église et je ne pouvais pas me résoudre à la voir disparaître année après année.

Église Sainte-Marie-Madeleine avant le miracle. © JLH.

J’ai donc réuni pendant plusieurs années des équipes de jeunes bénévoles qui ont maçonné, réparé, comme l’avaient fait leurs prédécesseurs du XVe siècle !
Je passe sur l’intérêt de faire travailler en équipe des jeunes de multiples nationalités et de leur faire découvrir la richesse du patrimoine français. Évidemment, un évènement de ce genre, en pleine ville, ne pouvait pas rester inaperçu. Des articles de journaux et des émissions de télévision diffusèrent ce qui était au fond une action normale.
Jusqu’à ce que le conseil régional -curieusement propriétaire- se souvienne de sa propriété et affecte la somme de deux millions d’euros pour poursuivre l’ouvrage que nous avions commencé avec nos bras et une bonne dose de bonne volonté.
Nul doute, c’était une nouvelle intervention de Sainte Rita !
Je pourrais continuer la liste des miracles du Patrimoine qui m’ont permis de sauver plus de 100 églises. Mais, en 60 ans de carrière d’Architecte du Patrimoine, finalement je n’ai fait que mon travail… … avec l’aide de Sainte Rita !